Toi, le Barbare
Toi le barbare
Tes parents ont sorti cette photo jaunie,
Petit garçon timide devant le HLM.
Ils sont anéantis et presque à l’agonie,
Alors que de partout monte le requiem,
Pour tous ces jeunes-là qui furent massacrés.
Ils sont assommés par cette double peine :
Ils savent que le tueur s’était fait explosé,
Que les fragments de chair portent ton ADN.
Que de chemin parcouru depuis ce vieux cliché,
A grandir sans repère dans cette laide cité.
Eux avaient espéré qu’avec ce DUT
Ta vie serait facile, bien meilleure que la leur ;
Que tu n’irais jamais trimer sur les chantiers,
Comme ton père usé, par le froid, la chaleur.
Mais ils avaient bien vite alors déchanté
Quand pour rendre visite à leur dealer de fils,
Pour leur plus grande honte, ils avaient fréquenté
Les parloirs blafards de Fleury Mérogis.
Et puis cet air étrange quand tu étais sorti
Et cette longue absence dont tu n’avais rien dit
Mais dont ils redoutaient qu’elle s’appelât Syrie,
Un chemin de Damas à l’envers, ironie.
Pourquoi a-t-il fallu que tu tombes sous le charme
De ces imams haineux dont tu bus les paroles
A l’infect relent de dollars et de pétrole,
Et qui prêchent la douleur dans le sang et les larmes
Au nom d’une religion qui prône le contraire ?
Moi non plus je n’aime pas ce monde sans repères
Obsédé par l’argent, égoïste, financier,
Mais je ne peux un instant seulement imaginer
Qu’au nom d’un idéal, au nom d’une religion,
L’on puisse de bonne foi croire à tous ces bobards
Sans avoir le cerveau complètement lessivé
Dans l’antre démentiel des écoles de barbares.
Je pense également que sous couvert de ta foi
Tu t’arroges le blanc-seing d’assouvir les pulsions
De la bête primitive qui sommeille en toi ;
Faisant ainsi craquer cette couche d’humanité
Qui donne depuis toujours à l’Homme sa beauté.
Pourquoi a-t-il fallu qu’en cette nuit d’enfer
Sur ces jeunes attablés aux terrasses des cafés,
Sans l’ombre d’un regret tu te mettes à tirer,
Alors que pour un soir, ils fuyaient la galère
D’un quotidien morose, pas meilleur que le tien ?
En ce doux mois de novembre où tout allait si bien,
Les femmes étaient belles, leurs joues étaient rosies
Par quelques gouttes d’alcool qu’on leur avait servi.
Avec leurs compagnons, elles parlaient librement ;
Il parait que c’est cela qui te déplaisait tant.
Pourquoi a-t-il fallu qu’en cette nuit mortifère
Tu déclenches un carnage dans cette salle de concert ?
Les jeunes se dandinaient dans leurs Tee-Shirts moulants
Oubliant leurs tracas un instant, en chantant.
Je vais t’faire un aveu, ce n’est pas ma musique ;
Je ne suis pas un grand fan’ de guitare électrique,
Mais je la préfère cent fois aux grondements mécaniques,
Aux pétarades mortelles des armes automatiques.
Tes gourous en Syrie t’ont traité de héros.
Désolé de te dire que les miens sont plus beaux :
Ils ont pour nom Mandrin, Jean Moulin ou Zorro,
Car je ne reconnais pas le courage des robots.
Quant à cet espoir d’aller au Paradis
Et de ces nombreuses vierges, qu’avant ils t’ont promis.
Je ne suis pas certain quand tu seras là-haut,
Qu’il faille que tu t’attendes à beaucoup de bravos,
Aux récompenses glorieuses de ton Dieu, quel qu’il soit.
Je ne crois pas du tout qu’il sera content de toi.
Je pense que tu aurais dû profiter ici-bas,
De ces femmes réelles, pas si vierges que cela.
Comme dit Pierre Perret, je crois que tu devras
Pour un bon bout de temps te la mettre sous le bras.
Et si tu te réveilles de ta lobotomie ;
Si, par chance, un jour tu sors de ta folie,
Alors tu comprendras que tu as déjà perdu,
Qu’il est bien illusoire de répandre l’esclavage,
Que ton monde parallèle n’est en fait qu’un mirage,
Que les pires tyrans ont tous disparu,
Ceux-là mêmes qui voulaient empêcher de penser,
Tous ces responsables des désastres du Monde.
Car il existe une arme bien plus forte que tes bombes,
Cette arme si puissante, c’est le mot Liberté.
Décembre 2015