Le jardin de Touraine
Un dimanche d’été, ni trop chaud, ni trop froid ;
Nous venons en Touraine dans le pays des rois.
Nous sommes à La Boulas, domaine de Sieur Talbert ;
Il parait que Rabelais a foulé cette terre.
L’atmosphère est baignée de convivialité.
Nous sommes accueillis dans une douce ambiance.
Et si nous n’étions pas en lieu de connaissances,
Pour peu, je me prendrais pour un François Premier.
Le repas n’apporte point la moindre discordance ;
Maria a développé le sommet de sa science.
Au milieu d’une table superbement dressée
Trônent un hortensia blanc et des roses carmin.
Porcelaine, cristal et belles nappes brodées,
Carafe improbable artistiquement bosselée
Complètent un décor qui aiguise ma faim.
Verrines colorées aux épices raffinées,
Saint-Jacques rissolées et magrets sur le grill,
Profiteroles craquantes subtilement parfumées
Ont de quoi enchanter n’importe quelles papilles.
Et que dire des vins fins choisis en connaisseur
Qui accompagnent si bien ces bouquets de saveurs.
Ensuite est arrivé le moment attendu,
Un instant magistral, la visite du Jardin.
C’est aussi pour cela que nous sommes venus ;
Le lieu est réputé jusqu’aux ultimes confins.
Nous sommes alors témoins d’un rite peu banal :
Non contents d’être guidés par nos maîtres de céans,
Nous sommes accompagnés d’une escorte royale.
Avec solennité et quelque peu distants,
Car familiarité ici ne siérait pas,
Placid et Muzo, ces Messires les chats,
Nous observent de loin feignant l’indifférence ;
Car nous sommes placés sous leur haute surveillance.
C’est une tout autre affaire avec Dame Cocotte,
La poule apprivoisée qui se mêle de tout.
Elle caquette, elle pérore, elle claironne, elle papote,
Elle fait l’intéressante et s’impose parmi nous.
Gérard est aux commandes et mène la visite.
Il plante le décor : près de deux mille espèces
À force de patience, à force de tendresse
Ont été rassemblées une à une sur le site.
Nous traversons la serre, un jardin exotique
Où cactus épineux et euphorbes rampantes
Occupent la bonne place des plantes désertiques.
Dehors la chaleur est bien moins étouffante.
Arbres et arbustes de toutes provenances,
Souvent enrubannés du bleu des clématites
Se succèdent au fil de notre progression.
Nous avançons au rythme d’une régulière cadence.
Je cherche à retenir toutes ces appellations
Mais c’est impossible et je renonce très vite.
Je n’ai jamais été très fort en botanique ;
Moi, ma spécialité c’est plutôt la physique.
Je parviens cependant à garder quelques noms ;
Sans doute qu’ils résonnent d’une belle consonance :
Quercus dentata, noisetier de Byzance…
Parfois je me rappelle, mais pour d’autres raisons :
Une plante imperméable nommée macleaya
Ou une autre au goût d’huitre, appelée mortensia.
Et des rosiers partout ! En pays de Ronsard
Quoi de plus naturel ? Mais quelle consécration !
Sur des carreaux d’ardoise fleurissent des citations ;
Moi j’aime intensément ce mélange des arts.
Et ces oiseaux de fer qui peuplent chaque bosquet
Comme si au paradis, ils sont venus se figer.
De partout ces arômes, ces parfums, ces senteurs
Qui excitent mes sens, m’enivrent de ces splendeurs.
Au milieu de tout cela, Gérard de Touraine
Nous livre avec bonheur moult explications.
Il nous fait découvrir des secrets de la nature,
De la forme des feuilles à la courbe des nervures.
Il règne tel un maître sur cet immense domaine
Dont il maîtrise par cœur toutes les moindres allées.
Ses yeux brillent de fierté, d’enthousiasme, de passion
Quand il parle à loisir de tous ses protégés.
Il décline les noms des arbres du jardin,
Nom commun et surnom, et même nom latin.
Il connaît leurs histoires, fournit des anecdotes ;
Il les soigne, les arrose et même les chochotte.
Car il n’a pas créé ce site légendaire,
Sans les avoir aimés d’un amour de père.
Nous nous sentions si bien dans ce havre de paix,
Que nous n’avons pas vu la pendule tourner !
Il est temps de partir, de quitter nos amis,
De laisser derrière nous ce coin de paradis.
Ce n’est pas sans regret ni brin de nostalgie,
Mais nous reviendrons, car nous l’avons promis.
Alors, cher lecteur, permets-moi ce conseil :
Si tes pas se rapprochent du village de Cérelles,
Fais donc un détour du côté de La Boulas
Et visite le jardin de Gérard et Maria.
Certes, il faudra t'acquitter d’une modeste obole,
Mais pour quelques euros je te donne ma parole
Que tu deviendras riche de toute cette beauté,
Riche de ces gens-là, riche de leur amitié.